Dessin de Sempé extrait de Catherine Certitude |
Avant son court roman La Danseuse (Gallimard, 2023), Patrick Modiano avait déjà évoqué dans ses textes d'assez nombreuses danseuses, ce qui fait de la danse et de ses interprètes un motif récurrent de l'œuvre de l'écrivain. Cinq de ces danseuses, bien réelles, méritent un regard particulier.
Pour les lecteurs fidèles de Modiano, la première paraît évidemment être Luisa Colpeyn, la mère de l'écrivain, ancienne "girl dans des revues de music-hall à Anvers et à Bruxelles", à la fin des années 1930, comme il l'écrit dans son autobiographie Un pedigree. Dans un entretien au Monde, il a toutefois démenti catégoriquement tout lien entre le personnage central de La Danseuse et sa mère : "Rien à voir avec ma mère, qui n’a jamais été danseuse. Tout juste simple “figurante” dans deux revues à Bruxelles quand elle avait 18 ans."
Patrick Modiano n'en a pas moins été très tôt en contact avec des danseuses : "Les hasards de la vie ont fait que j’ai côtoyé le monde de la danse très jeune et que j’éprouvais la plus grande admiration pour le travail des danseuses et des danseurs", indique-t-il dans le même entretien au Monde. Comme il l’évoquait dans Un pedigree, puis y revient en force dans La Danseuse, le spectacle du grand chorégraphe George Balanchine La Somnambule (1946) lui a en particulier causé une grande émotion quand il l’a applaudi, tout enfant.
"Petit, j'ai eu un choc en assistant à un ballet adapté par Balanchine d'un opéra [de Vincenzo Bellini], La Somnambule, a-t-il expliqué à Joseph Ghosn et Minh Tran Huy dans Le Figaro Madame. On voyait une danseuse – qui était l'épouse de Balanchine, Maria Tallchief, mi-Irlandaise, mi-Amérindienne – marcher comme une somnambule pendant un temps assez long. Elle évoluait en silence, portait à un moment un personnage amoureux d'elle dans le spectacle… C'est ce silence qui m'avait frappé. Au cirque, dans les numéros de trapézistes, on a le même type de moment quand les acrobates passent d'un trapèze à l'autre, sauf que précisément, c'est toujours précédé d'un roulement de tambour. La danse m'apparaissait comme un art silencieux. Le corps exprime et s'exprime avec limpidité sans utiliser les mots. Et il faut un tel effort, une telle douleur, une telle rigueur pour parvenir à cet indicible…"
Gay Orlova |
Galina Orlow dite Gay Orlova ou Gay Orloff (1914-1948), enfin, constitue également un personnage notable de Modiano. Elle aussi était une amie de son père. Née à Petrograd (Russie) le 11 février 1914, "elle avait, très jeune, émigré aux États-Unis", rapporte Modiano dans Un Pedigree. "À vingt ans, elle dansait dans une revue en Floride et elle y avait rencontré un petit homme brun très sentimental et très courtois dont elle était devenue la maîtresse : un certain Lucky Luciano", truand américain bien connu. Arrivée en France en 1936, elle s'y marie en 1938 avec Victor Benjamin Marie Ghislain Alain Eudes d’Eudeville (1903-1956) et obtient ainsi la nationalité française. Morte en 1948, elle est enterrée à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne).
Cette Galina Orlow, citée notamment dans Rue des boutiques obscures, a aussi donné son prénom à l'un des personnages marquants de Catherine Certitude, Odette Marchal dite Galina Dismaïlova, une ancienne danseuse du Casino de Paris devenue professeur de danse. C'est elle qui apprend la danse à la petite Catherine. Celle-ci devient danseuse à son tour.
On peut regretter un détestable "celles et ceux" dans le chapitre où il parle Pola...
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