lundi 20 mai 2019

Encre sympathique, Modiano millésime 2019


Deux ans après Souvenirs dormants, un nouveau roman de Patrick Modiano est paru le 3 octobre 2019 dans la collection blanche de Gallimard, son principal éditeur depuis ses débuts en 1968. Preuve que l'obtention du Prix Nobel de littérature en 2014 n'a pas asséché la créativité du romancier.  

Le nouveau livre s'intitule Encre sympathique, un titre qui peut être entendu dans plusieurs sens, comme très souvent chez l'auteur de La Place de l'étoile, de Villa Triste ou encore de Chien de printemps. 

L'encre sympathique, ou encre invisible, est une encre qui n'apparaît qu'en chauffant le papier sur lequel elle a été déposée, ou en employant un autre révélateur. La plus connue est fabriquée à partir de jus de citron. Mais l'encre sympathique peut constituer également une parfaite métaphore de l'écriture de Modiano, avec son style simple, presque neutre, et ses mots, ses souvenirs, qui remontent à la surface, parfois longtemps après.

Couverture d'Encre sympathique, de Denise Bourdet (Grasset, 1966)

Encre sympathique est déjà le titre d'un livre de Denise Bourdet (1899-1967), préfacé par Félicien Marceau et publié chez Grasset en 1966. La veuve du dramaturge Edouard Bourdet, elle même écrivaine et membre du jury du Prix Medicis, y évoquait ses rencontres avec des personnalités des arts et des lettres telles que Louis Aragon, Michel Butor, J.-M. G. Le Clézio, ou Raymond Queneau, un des pères en littérature de Modiano.

Voici le résumé du roman de Modiano, tel que présenté par Gallimard : 



"Trente ans après son passage dans l'agence Hutte, Jean Eyben réouvre le dossier qu'il avait gardé sur la disparition jamais élucidée de Noëlle Lefebvre. Il contient peu de choses. Son adresse 13, rue Vaugelas dans le 15e arrondissement, celle du Dancing de la Marine et celle des magasins Lancel, place de l'Opéra, où elle travaillait. Quelques noms : Gérard Mourade, comédien, Roger Behaviour, Brainos, Sancho, Mollichi... Et un carnet. Des indices qui convergent vers un château en Sologne, Annecy, et puis plus rien. Plus rien, car, un jour, Noëlle Lefebvre a passé la frontière pour une autre vie."

On retrouve ici plusieurs éléments déjà rencontrés dans d'autres livres de Patrick Modiano : l'agence de détective Hutte se trouvait au coeur du roman Rue des Boutiques obscures, Brainos et la rue Vaugelas apparaissaient dans L'Horizon, Annecy servait de décor à Villa Triste...

Gallimard a publié un court extrait du roman : 
«Et parmi toutes ces pages blanches et vides, je ne pouvais détacher les yeux de la phrase qui chaque fois me surprenait quand je feuilletais l’agenda : "Si j’avais su…" On aurait dit une voix qui rompait le silence, quelqu’un qui aurait voulu vous faire une confidence, mais y avait renoncé ou n’en avait pas eu le temps.»

A l'occasion de la sortie du roman, Gallimard a également publié un entretien avec Patrick Modiano. "Nous vivons à la merci de certains « silences » de la mémoire", y indique l'écrivain.

➨ Les autres entretiens accordés par Modiano lors de la parution de ce roman et les nombreuses critiques du livre sont à retrouver ici

  Qui était le véritable Georges Brainos ? Enquête sur un "homme assez douteux". 

10 commentaires:

  1. Ce n'est pas très "sympathique" de la part de Gallimard d'avoir choisi ce titre qui va jeter aux orties le travail de Denise Bourdet ! Ou bien est-ce une... bourde de Gallimard ?

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  2. Remarque teeeeellement dans l'air du temps ! Peut-être aurait-il été plus positif de se réjouir d'un nouvel opus de notre grand homme...

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  3. C'est joli qu'il y ait de l'encre dans un de ses titres...moi aussi je me réjouis.

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  4. Assez d'accord avec Francesca. Toutes les recherches sur le net concernant ce titre conduiront désormais à l'ouvrage de Modiano. Après, je ne sais pas s'il y avait beauxoyp de recherches concernant l'ouvrage de Denise Bourdet (dont j'ignorais même le nom) mais quand même...

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  5. La parution d'un prochain roman de Patrick Modiano est toujours une merveilleuse nouvelle. Je viens de l'apprendre et ce mardi pluvieux au ciel chargé en est soudain tout illuminé pour moi. Je vais attendre cet octobre qui sera lumineux aussi (et aussi l'attente)en grande partie, même s'il s'accompagne d'événements moins réjouissants, le monde va toujours si mal(il y aura au moins ça!)… Un nouveau volume viendra s'ajouter sur la pile des romans de Modiano que j'ai à mon chevet… Ô bonheur !

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  6. Je ne peux que me réjouir de ce titre qui me renvoie à tant de souvenirs familiaux autour de Denise Bourdet. Les manières d'agir de l'édition sont ainsi faites que, bien que je sois l'ayant droit de Denise Bourdet et que ma Villa blanche ait été publiée en Folio, Gallimard ne m'a pas demandé l'aautorisation pour l'usage du titre. Peu importe, je l'aurais accordée de grand coeur. Comment refuser cela à un génie tel que Modiano ?
    Son roman est magnifique, à la fois si lui-même et tellement autre dans sa fin imprévue, comme si une autre histoire, écrite à l'encre sympathique, coulait sous la première. Bravo au Maître.
    Et merci à Philippe Mianes pour son hommage qui me touche beaucoup..
    Bruno Tessarech

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    1. Merci pour votre commentaire à propos de Denise Bourdet.

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    2. Bruno Tessarech, le hasard me fait trouver votre commentaire, je vous en remercie pour avoir tant scruté les hauteurs de Tamaris, lieu d'élection lié à ma passion Bérard et pour y chercher donc la Villa Blanche. Je dois vous indiquer, si ce message vous arrive, qu' actuellement à Paris une exposition est consacrée aux peintres Néo-Romantiques au Musée Marmottan-Monet, jusqu'au 18 juin 23, s'y trouve exposé le beau portrait de Denise Bourdet peint par Bérard. Je possède quelques touchants documents concernant Bérard, Denise et Edouard Bourdet, à votre disposition si vous désirez en prendre connaissance. philippemianes@gmail.com Bien cordialement. Philippe Mianes

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