dimanche 4 février 2024

Une cousine de Dora Bruder arrachée à l'oubli



Plus de vingt-cinq ans après Dora Bruder, une de ses cousines éloignées vient à son tour d'être arrachée à l'oubli grâce à un livre.

Universitaire, spécialiste reconnu du droit constitutionnel et de l'évolution de la démocratie, Bastien François a, un temps, délaissé sa discipline pour écrire un livre émouvant et rigoureux sur Estelle Moufflarge, une jeune fille arrêtée à Paris et morte à Auschwitz en 1943, alors qu'elle avait à tout juste 16 ans. Son ouvrage, publié comme Dora Bruder chez Gallimard, s'intitule Retrouver Estelle Moufflarge.

Bastien François a "rencontré" Estelle Moufflarge en 2014, grâce à une carte interactive permettant de savoir où habitaient les 11 458 enfants juifs envoyés de France vers les camps de la mort entre 1942 et 1944. Il saisit sa propre adresse, rue Caulaincourt, à Montmartre, et un seul nom apparaît, celui d'Estelle Moufflarge. Elle habitait au 89, à quelques immeubles du sien. En bas de chez elle, le café Au rêve, fréquenté au fil des ans par Simenon, Céline, Marcel Aymé, Jacques Brel, Patrick Modiano et bien d’autres, existait déjà.

C'est au cours de ses recherches, grâce à des membres de la famille Moufflarge, que Bastien François découvre qu'Estelle était une "cousine éloignée" de Dora Bruder. Une tante d'Estelle, Rose Muflarz née Burdej (1910-2003), était en effet une cousine de Cécile Bruder (née Burdej), la mère de Dora Bruder.

Cette découverte a constitué une "grande difficulté" pour Bastien François qui a beaucoup hésité à évoquer ce cousinage dans son livre, a-t-il expliqué au Monde. Il était évidemment tentant de donner cette information précise, vérifiée, et qui pouvait contribuer à montrer le milieu dans lequel évoluait Estelle Moufflarge. En même temps, le risque était grand de placer ainsi Estelle Moufflarge dans l’ombre de sa cousine devenue un symbole de la Shoah - et, pour Bastien François, à se situer lui-même sous la tutelle de Modiano, Prix Nobel de littérature 2014. 
« J’ai finalement donné l’information, sans la mettre en avant, a indiqué l'auteur au Monde. Et je n’ai pas relu Dora Bruder, pour ne pas écrire mon livre avec, ni ­contre, celui de Modiano. »


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