dimanche 19 avril 2020

Jean-Marie Périer raconte « son » Modiano

Patrick Modiano par Jean-Marie Périer (© Jean-Marie Périer)
Confiné comme tous les Français en raison de l’épidémie de coronavirus, le photographe Jean-Marie Périer a saisi l’occasion pour sortir de ses archives quelques clichés et les commenter sur Facebook et Instagram. Le 17 avril, il a consacré à Patrick Modiano un long et beau message, assorti d’une photographie en noir et blanc. Il raconte notamment que la mère de Modiano, la comédienne Luisa Colpeyn, était une amie de ses parents, les acteurs François Périer et Jacqueline Porel.

Les liens entre Jean-Marie Périer et Patrick Modiano passent aussi par Françoise Hardy, l’ancienne compagne du photographe, interprète de plusieurs chansons écrite par l’écrivain, dont le succès Étonnez-moi Benoît.


« Je connais Patrick Modiano depuis mon enfance, écrit Jean-Marie Périer. En effet, une actrice flamboyante aux accents d’Europe centrale venait parfois nous rendre visite à Neuilly chez mon père. C’était une amie de la famille, elle s’appelait Luisa Colpeyn. Elle tenait son fils par la main, et bien qu’il fût plus jeune que moi il était déjà plus grand. C’était Patrick Modiano.

Aussi loin que je me souvienne Patrick a toujours été « ailleurs ». Dans ce monde qu’il réinvente sans cesse depuis le jour où l’étoile d’une certaine place lui a frappé les yeux.

Parfois certains s’amusent de son inaptitude à jouer au tennis de la conversation. Sa pensée filant plus vite que la parole, ses mots se cognent et laissent traîner des bribes, comme si le début d’une phrase était par avance lassée de sa fin. C’est parce que pour lui, l’important n’est pas à dire, il est dans les écrits de ses romans. Sa compagne Dominique Zehrfuss, auteur elle-même, n’est pas étrangère à ce fragile équilibre. Vous savez, vivre avec un écrivain, ce n’est pas toujours de la tarte, aussi je la remercie d’avoir toujours su accompagner Patrick en ayant l’intelligence de respecter ses absences, même lorsqu’il était dans la pièce. Elle savait bien, elle, ce qui se cachait derrière ses silences. 

Je l’ai surpris un jour, debout dans une rue de Paris. Il regardait un immeuble, détaillant chaque fenêtre comme une amie retrouvée. Sur ce trottoir moderne, il était là, comme une photo sépia, le visage levé vers des souvenirs datant d’un hier qui n’avait peut-être pas existé, mais dont la valeur n’avait rien à envier à l’aujourd’hui des inconnus qui le bousculaient sans le voir. J’ai préféré ne pas le déranger. »

2 commentaires:

  1. Merci Denis, de ce témoignage précieux et émouvant.

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  2. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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