samedi 12 novembre 2011

Emmanuel Berl, Interrogatoire


Le livre Emmanuel Berl, Interrogatoire est paru en 1976.
Il s'agit pour l'essentiel d'une interview d'Emmanuel Berl par Patrick Modiano. Ce dernier a également écrit une préface et une postface.
L'ensemble est suivi d'un texte autobiographique d'Emmanuel Berl intitulé Il fait beau, allons au cimetière. 
Première publication : Gallimard, 1976. Nouvelle édition en 2003, collection Témoins. 210 pages.

Présentation par l’éditeur
« Les deux manuscrits associés ici étaient initialement destinés à former des publications indépendantes. Emmanuel Berl évoquait ses souvenirs d'enfance et de jeunesse quand Patrick Modiano vient le soumettre à cet « interrogatoire » dont l'essentiel porte sur l'entre-deux-guerres.
Pourtant, à les lire d'affilée, le lecteur ne pourra qu'être frappé par leur parenté profonde. Ils sont enfants de la même portée.
Il fait beau, allons au cimetière possède sans doute son rythme et sa nécessité propres, tandis que l'Interrogatoire eût à coup sûr été tout différent si c'était aux curiosités de tel ou tel de ses autres habitués du Palais-Royal que Berl avait répondu.
Mais l'homme-reflet que Modiano a l'art de faire apparaître dans son
Interrogatoire, ce pamphlétaire de Mort de la pensée bourgeoise nourri dans le sérail de Bergson et de Proust, ce déroutant directeur de Marianne qui en vint à rédiger les premiers discours de Pétain tout en trouvant ridicule la seule idée de la révolution nationale, ce Juif munichois intime de Malraux et mari de Mireille, toute cette personnalité apparemment déconcertante d'intellectuel aux aguets et de pacifiste forcené s'éclaire du récit de son enfance et de sa formation. »

(source : site Gallimard).

Le recueil des souvenirs d’Emmanuel Berl par Modiano a donné lieu, bien après la publication du livre, à une polémique soulevée par Pascal Sevran, autre familier de Berl dans les dernières années de la vie de celui-ci. Dans son livre Tous les bonheurs sont provisoires (Albin Michel, 1995), Pascal Sevran a suggéré qu’il était le véritable coauteur de ce texte.

Dans le magazine "Lire", Pierre Assouline a consacré une chronique sur le sujet:
« Pauvre Modiano... C'est sa fête ce mois-ci. Au moment où l'un lui réclame ses papiers, l'autre le traite d'imposteur. L'autre, c'est Pascal Sevran, le-défenseur-de-la-chanson-française, qui lui consacre cinq pages dans Tous les bonheurs sont provisoires (Albin Michel). Cinq pages de trop. L'auteur a pourtant un joli brin de plume, le sens de la formule, une impertinence qui fait mouche et un certain humour. Il vaut mieux que son image de Castafiore cathodique. Hélas, même quand il évoque les quatre hommes de sa vie (Mitterrand, Trenet, Dalida, Berl), il ne peut réprimer ses aigreurs sur leur entourage.
L' «affaire» en deux mots, puisqu'elle défraie la chronique dans le microcosme littéraire. A la fin de sa vie, l'écrivain Emmanuel Berl (1892-1976) recevait un monde fou au pied de son lit. N'y voyant plus assez pour lire et écrire, cet esprit voltairien au charme inouï racontait son siècle de vive voix à ses lecteurs les plus fervents. Pascal Sevran était du lot. Il eut l'idée de l'enregistrer et la prétention d'y voir une œuvre. Robert Gallimard, à qui il porta son matériau, le jugea inutilisable. Tel fut également l'avis de Berl. Il ne suffit pas d'apposer le sigle NRF sur des bandes magnétiques pour en faire un livre.
Patrick Modiano, qui était en conversation ininterrompue avec le vieil écrivain depuis 1968, fut tout naturellement chargé par Gallimard de la prolonger. En utilisant la transcription de ces fameuses bandes. Cela donnera
Interrogatoire (1976), un livre brillant qu'on relit avec la même saveur vingt ans après. Ce n'est pas un hasard si le vieux Berl, qui aurait pu être son grand-père spirituel, a dédié son tout dernier essai, A venir (1974), au jeune Modiano. Ce dernier, qui avait accepté de se prêter au jeu par affection, par faiblesse et par admiration, refusa toujours de toucher les moindres droits d'auteur sur cet Interrogatoire qui figure d'ailleurs, dans le catalogue de leur éditeur commun, au nom d'Emmanuel Berl. Or, dans ses propres souvenirs, Pascal Sevran raconte l'histoire sous un autre angle, suggérant qu'il en est le véritable coauteur, l'autre n'étant qu'un charmant usurpateur par distraction. Curieux tout de même qu'il ait attendu vingt ans. A croire qu'il avait vraiment besoin de ça pour lancer son propre livre. Cela n'aurait que peu d'importance si ce fumet peu ragoûtant n'alimentait la rumeur. Or, comme on sait, calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose. Cinq pages de trop, vraiment. Plus une phrase qui achève de discréditer son auteur: «Je n'ai pas apprécié dans le même temps que l'on renonce à fleurir la tombe du vainqueur de Verdun sous la pression de ceux qui font commerce de leurs indignations.» Dans ces cas-là, soit on en dit beaucoup plus, on vide son sac et on affronte nommément ceux qu'on prétend flétrir, soit on s'abstient. Car rien n'est plus lâche que l'insinuation. » 

Extrait de : Pierre Assouline, « Le mot de trop », magazine Lire.


Parmi les personnages cités dans le livre : Alexandre Stavisky

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