Gino Bordin est l’une des figures du roman De si braves garçons (1982).
Modiano en fait le professeur de guitare du collège de Valvert, où sont pensionnaires les "braves garçons" en cause.
"Chaque jeudi, Gino Bordin, notre professeur de guitare venait au collège par le car de la porte Saint-Cloud. (…) Le premier, il avait introduit en France la guitare hawaiienne et c’était là son titre de gloire."
Comme souvent chez Modiano (par exemple pour Henri Séroka), ce personnage s’inspire très directement d’une personne réelle : Gino Bordini, né en 1899 en Italie et devenu Gino Bordin après son arrivée en France en 1926. Aujourd’hui méconnu, il fut effectivement l’un des pionniers de la guitare hawaiienne dans l’Hexagone, à la fin des années 1920 et au début des années 1930.
Il composa de nombreux morceaux et enregistra une série de disques. Avec Louis Ferrari, il écrivit notamment la musique de Te chérir une nuit, une chanson interprétée par Tino Rossi sur des paroles d’André Viaud.
Après guerre, Bordin traversa une passe plus difficile. Comme le raconte Modiano, il fut alors professeur de guitare, chez lui, rue Audran à Paris, mais aussi dans des établissements scolaires privés.
Le portrait qu’en dresse Modiano, costume sombre, pochette et cravate de soie claires, lunettes à fines montures argentées et cheveux coiffés en arrière, est également conforme à la réalité.
Gino Bordin mourut en 1977, cinq ans avant la publication de De si braves garçons.
On retrouve 14 morceaux joués par Gino Bordin sur la compilation Paris, Plages d’Hawaii – Guitares hawaiiennes (Paris Jazz Corner/Universal Jazz, 2006).
Le livret, signé Cyril Lefebvre, cite le texte de Modiano.
Sans mentionner directement Gino Bordin, Patrick Modiano avait déjà évoqué la guitare hawaiienne dans Memory Lane, un récit écrit juste avant De si braves garçons.
L’un des personnages, émigré lui aussi, Georg Bluëne devenu Georges Bellune, est le compositeur d’une opérette, Roses d’Hawaï. "Inconsciemment, il avait espéré que les pétales de roses et les caresses des guitares hawaïennes sur les arbres du Ring et Unter den Linden conjureraient le mauvais sort", écrit Modiano.
Contrairement à Bordin, Georges Bellune n’a pas existé. Le personnage est en partie inspiré du compositeur hongrois Paul Abraham (1892-1960), auteur de l’opérette La fleur de Hawaii (Die Blume von Hawaii).
Gino Bordin, lui, a composé un morceau intitulé Rose d’Hawaï.
Un long passage du livre-enquête Dans la peau de Patrick Modiano, de Denis Cosnard (Fayard, 2011) est consacré à Gino Bordin et à la saga hawaïenne qui traverse plusieurs textes de Modiano.
Gino Bordin et sa guitare |
à propos de Gino Bordin
RépondreSupprimerhttp://beyond-the-coda.blogspot.fr/search/label/Cyril%20Lefebvre
Autre musicien-chanteur cité par P.M., c'est dans "une jeunesse", page 28 et 29 de l'édition Gallimard, la Blanche, et c'est le rocker anglais Vince Taylor, dont l'essentiel de la carrière (en dents de scie) se déroula en France. P.M. évoque un passage sur scène du rocker en cuir noir (ou en skaï noir) au Palladium.
RépondreSupprimerEt aussi, page 76 du même roman, même édition, bronzé et en veste de daim à franges, Frank Alamo, le chanteur yé-yé de "allô Mademoiselle". Plus loin, page 102, Vietti, l'un des personnages, fait écouter à Odile ("l'héroïne" de "une jeunesse") le disque d"une chanteuse à "la voix espiègle de petite fille, étouffée par les guitares électriques" que Vietti destine au concours de l'Eurovision... et l'on songe alors à France Gall ?
RépondreSupprimerdans "de si braves garçons", page 71 de l'édition de 1982 (la Blanche): "je me souviens que sur l'une des parois en bois de teck, était accrochée, dans un cadre rouge, la photo d'une amie à elle, une artiste aux cheveux courts, descendante de Surcouf, et dont les chansons parlaient d'escales, de goélettes blondes et de ports sous la pluie".
RépondreSupprimerIl s'agit évidemment de Suzy Solidor, "la Madone des Matelots", chanteuse emblématique des milieux lesbiens des années 30.
page 85, on quitte le monde de la musique pour celui du cinéma, P.M. citant l'actrice danoise Annette Stroyberg, femme de Roger Vadim qui la fit jouer dans 2 de ses films
page 75, c'est Sonja Henie, patineuse artistique et actrice norvégienne qui est citée.
Page 84 du même roman, même édition, on lit : "on rêvait au son d'une musique de Miles Davis en regardant osciller les feuillages des arbres du bois."
BRAVO pour cette belle musique d'un musicien que je ne connaissais pas et pour ces commentaires érudits !
RépondreSupprimerIl est beaucoup moins connu que le grand MARCEL BIANCHI.