L'édition de poche illustrée par une photo de René-Jacques |
Première publication : Gallimard, collection blanche, 4 octobre 2007.
Edition de poche folio-Gallimard (n°4.834) publiée en janvier 2009 illustrée par une photographie de René-Jacques.
Traductions en espagnol (En el café de la juventud perdida, éditionsAnagrama, trad. María Teresa Gallego Urrutia), en néerlandais (In het café van de verloren jeugd, éditions Querido, trad. Maarten Elzinga).
Les premières phrases
« Des deux entrées du café, elle empruntait toujours la plus étroite, celle qu'on appelait la porte de l'ombre. Elle choisissait la même table au fond de la petite salle. Les premiers temps, elle ne parlait à personne, puis elle a fait connaissance avec les habitués du Condé dont la plupart avaient notre âge, je dirais entre dix-neuf et vingt-cinq ans. Elle s'asseyait parfois à leurs tables, mais, le plus souvent, elle était fidèle à sa place, tout au fond.
Elle ne venait pas à une heure régulière. »
A lire en ligne : les premières pages
Edition de poche folio-Gallimard (n°4.834) publiée en janvier 2009 illustrée par une photographie de René-Jacques.
Traductions en espagnol (En el café de la juventud perdida, éditionsAnagrama, trad. María Teresa Gallego Urrutia), en néerlandais (In het café van de verloren jeugd, éditions Querido, trad. Maarten Elzinga).
Les premières phrases
« Des deux entrées du café, elle empruntait toujours la plus étroite, celle qu'on appelait la porte de l'ombre. Elle choisissait la même table au fond de la petite salle. Les premiers temps, elle ne parlait à personne, puis elle a fait connaissance avec les habitués du Condé dont la plupart avaient notre âge, je dirais entre dix-neuf et vingt-cinq ans. Elle s'asseyait parfois à leurs tables, mais, le plus souvent, elle était fidèle à sa place, tout au fond.
Elle ne venait pas à une heure régulière. »
A lire en ligne : les premières pages
Présentation par l'éditeur
« Au début des années 1960, aux balbutiements du futur situationnisme, la bohème littéraire et étudiante se retrouve au « Condé », un café de l’Odéon. Parmi les habitués, les quatre narrateurs du roman : un étudiant des Mines, un ancien des RG, une certaine Louki, alias Jacqueline Delanque, et Roland, jeune apprenti écrivain. Dans la première séquence, l’étudiant des Mines se souvient de la vie au « Condé » et décrit minutieusement les apparitions de Louki, jeune femme de 22 ans apparemment sans attache, qui lui donne l’impression de vouloir faire « peau neuve».
Dans la deuxième, Caisley, l’ancien des RG, mène l’enquête : le mari de Louki, Jean-Pierre Choureau, l’a chargé de la retrouver. Il découvre son enfance, aux abords du Moulin-Rouge où travaillait sa mère.
Troisième partie : Louki prend la parole et se souvient de son enfance, de ses fugues, des bars interlopes du XVIIIe… Elle évoque les hommes qui l’ont aimée : Jean-Pierre Choureau, Roland, Guy de Vere l’ésotériste qui lui a fait connaître la figure de « Louise du Néant » à laquelle elle s’identifie.
Dernière partie : Roland se rappelle sa rencontre avec Louki et leur amour. Jeune homme passionné par l’«éternel retour » et qui écrit un essai sur les «zones neutres», il flotte, comme Louki, et croit pouvoir la rejoindre dans ses pensées. Mais elle lui échappe comme à tous les autres… Jusqu’au jour où il apprend, au «Condé», que Louki s’est défenestrée…
À travers le passionnant portrait kaléidoscopique d’une jeune femme à l’enfance déchirée et la peinture précise du Paris des années 1960, Dans le café de la jeunesse perdue laisse une impression tenace de poésie autant que d’insituable malaise. Une sensation étrange, qui prend le lecteur à la gorge. »
(source : Gallimard )
Patrick Modiano parle de son livre :
-« Dédé Sunbeam. Ce nom me fascinait »
Un entretien avec Philippe Lançon, de "Libération"
-« Rendre la fiction plus troublante, plus magnétique »
Un entretien avec Patrick Kéchichian, du "Monde"
-« Le Condé appartient désormais à l'imaginaire »
Un entretien avec Jérôme Garcin, du "Nouvel Observateur"
-« Oui, il y a des images qui vous hantent. J'ai pas inventé. »
Un entretien avec Christophe Ono-dit-Biot, du "Point"
-« Le mot que j'emploie le plus souvent, c'est "bizarre" »
Extrait des propos de Modiano recueillis par Bernard Pivot et Antoine de Meaux pour le documentaire « Patrick Modiano, je me souviens de tout »
-« Jeunesse perdue, temps retrouvé »
Un entretien aux "Inrockuptibles" n°620, du 15 au 22 octobre 2007
-« Louki est opaque à elle-même »
Un entretien avec Raphaëlle Leyris, du magazine "Trois couleurs" (MK2).
-Vidéo: Patrick Modiano répond à six questions sur son roman
en ligne sur le site de Gallimard
Modiano, lignes de fuite
"Il y a presque toujours une rue « en pente douce » dans les livres de Patrick Modiano. Ce n’est pas un tic d’écrivain. Plutôt une référence discrète à l’endroit où il vécut au début des années cinquante avec son jeune frère, à Jouy-en-Josas. Une sorte de paradis perdu, un horizon qui s’éloigne peu à peu.
Cette année, la rue en pente est bien au rendez-vous, dès la huitième page du texte. Vous ne pouvez que la suivre, et elle « vous amène là, au point précis où vous deviez échouer », écrit Modiano. Cette dérive inéluctable, celle de Louki, l’héroïne, au cours des années soixante, c’est tout le sujet de Dans le café de la jeunesse perdue. Un roman superbe et émouvant qui descend en pente douce vers une fin tragique.
Louki n’a pas toujours été Louki. Ce surnom, ce sont les habitués du Condé, un café de l’Odéon, qui le lui ont donné. Car cette jeune femme de 22 ans ne se laisse pas glisser sans réagir. Face aux difficultés de la vie, elle tente plusieurs fois de faire peau neuve, et change de nom. Elle fut Jacqueline Delanque. Puis Mme Choureau. Puis Louki, lorsqu’après avoir fui sa mère, elle quitte son mari, associé-gérant dans une société d’immobilier, et se réfugie au Condé. « Je n’étais vraiment moi-même qu’à l’instant où je m’enfuyais », résume-t-elle.
Au Condé, elle retrouve la bohème du Quartier latin. Des habitués, comme Zacharias, Tarzan, Guy de Vere, Bowing, Mireille, Babilée, la Houpa, Adamov… Des étudiants, des artistes, des férus d’ésotérisme. Des personnages de pure fiction auxquels se mêlent quelques figures réelles comme Maurice Raphaël, cet écrivain que Modiano cite sous son nom le plus oublié, et qui publia surtout des « Série noire » sous le pseudonyme d’Ange Bastiani. Drôle d’ange en fait, qui fut accusé d’avoir torturé avec la « Gestapo française » de la rue Lauriston, et « eut des ennuis après la guerre », comme l’évoque pudiquement Modiano. Il prit alors lui aussi un autre nom, et tenta de remonter la pente. Louki, elle, finira par se laisser tomber…
Il y a deux ans, Patrick Modiano s’était pour la première fois risqué à parler de lui sans les masques de la fiction. Ce fut Un pedigree, un début d’autobiographie en forme de fiche de police qui lui a sans doute permis d’en finir avec certains de ses fantômes. Aujourd’hui, il reprend l’histoire au point précis où il l’avait laissée : dans les années soixante, lorsqu’il arrête ses études pour se consacrer à l’écriture. Bien-sûr, c’est un roman, cette fois-ci. Mais un roman nourri une fois de plus d’autobiographie.
Oui, l’élève qui est le premier à raconter l’histoire de Louki, celui qui décide de lâcher ses études, c’est Modiano. C’est lui aussi, Louki. La part féminine en lui, la part fugueuse aussi, celles qu’il poursuit depuis une dizaine d’années et qui l’ont notamment conduit sur les traces de Dora Bruder. Dans Du plus loin de l’oubli, en 1996, il y avait d’ailleurs déjà une Jacqueline qui passait ses journées dans les cafés de la rue Dante, reniflait de l’éther et se voyait fuir à Majorque, comme Louki. Elle épousait un certain Georges Caisley.
Cette fois-ci, pas de Georges, mais un Pierre Caisley. Un ancien flic qui enquête sur Louki, et rapporte une bonne part du récit. C’est Modiano, lui aussi, évidemment. Le Modiano détective qui scrute des photomatons, déambule dans Paris à la recherche d’un ancien garage, relève des listes de noms et de téléphones pour nourrir son rapport.
Quant au dernier narrateur, Roland, l’amant de Louki, nul doute qu’il cache aussi l’auteur. Comme lui, Modiano avait recensé à vingt ans une série de no man’s landparisiens. Comme lui surtout, l’écrivain se sent un survivant, depuis que son frèreest mort à l’âge de neuf ans. « A partir de cet instant-là, il y a eu une absence dans ma vie, un blanc, qui ne me causait pas seulement une sensation de vide, mais que je ne pouvais pas soutenir du regard », dit Roland dans les dernières pages – à moins que ce ne soit Modiano. Un écrivain au sommet de son art, qui réussit avec une grande économie de moyens un récit déchirant."
Denis Cosnard
(critique parue dans "Les Echos" du 2 octobre 2007).
Le titre du roman fait écho à une phrase de l’écrivain et cinéaste situationniste Guy Debord, tirée d’un de ses films au titre en forme de palindrome, In girum imus nocte et consumimur igni (1978), et que Modiano cite en épigraphe:
« À la moitié du chemin de la vraie vie, nous étions environnés d’une sombre mélancolie, qu’ont exprimée tant de mots railleurs et tristes, dans le café de la jeunesse perdue. »
Le titre du roman fait écho à une phrase de l’écrivain et cinéaste situationniste Guy Debord, tirée d’un de ses films au titre en forme de palindrome, In girum imus nocte et consumimur igni (1978), et que Modiano cite en épigraphe:
« À la moitié du chemin de la vraie vie, nous étions environnés d’une sombre mélancolie, qu’ont exprimée tant de mots railleurs et tristes, dans le café de la jeunesse perdue. »
Cette phrase est elle-même une référence à Dante.
Pour voir des extraits du film de Debord
A lire pour aller plus loin :
Pour voir des extraits du film de Debord
A lire pour aller plus loin :
-Dans le café de la jeunesse perdue lu par l'écrivain Paul Gellings (sur ce blog)
-"Dante chez Modiano", dans la revue électronique de littérature française "Relief" : une passionnante analyse de Manet van Montfrans sur les liens entre Dans le café de la jeunesse perdue et la Divine comédie. L’auteur, spécialiste de littérature contemporaine à l’Université d’Amsterdam, montre que les pérégrinations des personnages de Modiano renvoient à celles qu’évoque Dante dans son livre.
-"Dante chez Modiano", dans la revue électronique de littérature française "Relief" : une passionnante analyse de Manet van Montfrans sur les liens entre Dans le café de la jeunesse perdue et la Divine comédie. L’auteur, spécialiste de littérature contemporaine à l’Université d’Amsterdam, montre que les pérégrinations des personnages de Modiano renvoient à celles qu’évoque Dante dans son livre.
-Dans la peau de Patrick Modiano, de Denis Cosnard (Fayard, 2011).
Un chapitre de ce livre-enquête est consacré au roman, en particulier à la véritable Jacqueline dont s’est inspiré Patrick Modiano.
-Les Enjeux de l'adolescence, par Hélène Deltombe. Editions Michèle, collection Je est un autre, 2011.
Un très bon ouvrage sans jargon sur la psychanalyse et les adolescents, assorti de cas rencontrés par l'auteur dans sa pratique, mais aussi d'exemples littéraires. Un chapitre sur la distinction entre la mélancolie et la dépression est ainsi largement consacré au Café de la jeunesse perdue. Hélène Deltombe met intelligemment en relation la description du parcours de Louki et les propos de Lacan sur les suicides chez les mélancoliques.
Un chapitre de ce livre-enquête est consacré au roman, en particulier à la véritable Jacqueline dont s’est inspiré Patrick Modiano.
-Les Enjeux de l'adolescence, par Hélène Deltombe. Editions Michèle, collection Je est un autre, 2011.
Un très bon ouvrage sans jargon sur la psychanalyse et les adolescents, assorti de cas rencontrés par l'auteur dans sa pratique, mais aussi d'exemples littéraires. Un chapitre sur la distinction entre la mélancolie et la dépression est ainsi largement consacré au Café de la jeunesse perdue. Hélène Deltombe met intelligemment en relation la description du parcours de Louki et les propos de Lacan sur les suicides chez les mélancoliques.
L'édition originale du roman |
La traduction en espagnol |
La traduction en néerlandais |
Guy de Vere n'était pas un habitué du Condé..
RépondreSupprimerModiano construit cette histoire avec le critère du montage alterné et j’ai la sensation que tout tourne autour deux pôles : le café bien sur et les « zones neutres ». Il s’agit de zones où tout est en transit, suspendu, une rue comme rue d’argentine par exemple se trouve dans un arrondissement précis mais elle pourrait se trouver dans chaque arrondissement, rien nous permet de la caractériser. Alors n’est pas un hazard que le protagoniste rencontre Louki dans une zone neutre et qu’elle dit lui : nous pourrions aller vivre dans chacun des quartiers dont vous parlez ! Louki vient de nulle part et dans le rien elle désire faire retour.
RépondreSupprimerOù se trouve le café ? Existe-t-il toujours aujourd'hui ?
RépondreSupprimerJe voulais seulement dire que je ne me lasse pas de lire (de relire !) Modiano, et que je sors à l'instant d'une relecture (je ne sais pas la quantième ; je n'ai pas compté…) de "Dans le café de la jeunesse perdue". Toujours aussi émerveillée à chaque fois. Cette fois, je viens de lire aussi votre texte qui précède : "Modiano, les lignes de fuite". J'avoue que je ne le connaissais pas. Je le trouve très intéressant. J'envisage de faire les autres lectures (celles indiquées à la suite). il n'y a pas que Modiano ; il y a aussi ce que l'on a écrit sur lui, autour de lui. Un beau programme pour moi en perspective :)…
RépondreSupprimerMerci beaucoup. Lecture inépuisable que celle du Café de la jeunesse perdue...
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