En couverture de Jours nocturnes, une photographie de Myriam Anissimov par Jacques Robert, photographe attitré de Gallimard |
Dans son dernier roman à haute teneur autobiographique, Jours nocturnes (Seuil, 2014), Myriam Anissimov évoque à plusieurs reprises un certain Arturo auquel elle trouve "la pâleur, la grâce d'Amedeo Clemente Modigliani", et avec lequel elle noue une relation qui ne va pas bien loin.
Il n'est guère difficile de deviner qui se dessine derrière ce grand jeune homme passionné par le Paris de l'Occupation, la Gestapo française de la rue Lauriston, Maurice Sachs, le docteur Petiot ou encore Joseph Joanovici. Arturo, qui habite un immense appartement au bord de la Seine avec sa mère et le compagnon de celle-ci, "collectionnait tous types d'archives et de papier, écrit la romancière. Les annuaires, surtout les annuaires". Il adore se promener dans Paris la nuit, faire des canulars téléphoniques. Il écrit des textes de chansons.
Myriam Anissimov a effectivement connu Patrick Modiano à Paris à la fin des années 1960.
Fille d’un écrivain juif polonais, née en 1943 dans un camp de réfugiés en Suisse, elle est d'abord photographe, comédienne, puis enregistre des poèmes d’Albertine Sarrazin mis en musique.
L’année suivante, en janvier 1970, elle sort un 45 tours comportant une piquante composition du duo Modiano-de Courson, À tout petits petits petons : "Je vais dans mes petits souliers / À tout petits petits petons (…) / Maman m’a dit de me méfier / De certains vilains hannetons / Qui vous promettent des bâtons / De chocolat si vous les suivez".
Elle cite d'ailleurs des fragments de cette chanson, attribuée à Arturo, dans Jours nocturnes.
Myriam Anissimov sera ensuite marchande de vêtements aux puces, romancière, puis journaliste.
En 1975, son roman Le Resquise (Denoël) -c’est-à-dire "l’heure exquise" sous la plume d’un enfant- évoquait déjà sa relation avec Patrick Modiano, alors caché sous les traits d'un certain Antoine.
Une jeune juive, Anna, dont la famille a été victime de la Shoah, entre dans la vie adulte. Premières expériences sexuelles. Premiers petits boulots. Elle veut devenir chanteuse, et sort un 33 tours. En prenant des photos pour une maison de disques, elle rencontre un chanteur et les deux auteurs de ses bluettes. Elle se lie avec l’un d’eux, Antoine, un garçon timide et gigantesque. Il mesure deux mètres. En dehors des chansons, il a déjà écrit un livre. Sans le sou, il habite avec sa mère et le très sec compagnon de celle-ci dans un vieil immeuble parisien. Sa chambre est une véritable bibliothèque, avec une grande table, un fauteuil respectable et des tableaux anciens aux murs. Il est là aussi passionné par l’Occupation, sait tout de ce qui s’est passé dans le seizième arrondissement pendant la guerre, du docteur Petiot et de la bande Bonny-Lafont.
"Le grand Antoine semblait tombé sous le charme d’une époque qu’il qualifiait de pourrie mais dont les miasmes l’enivraient". Leur histoire d’amour est brève. Antoine propose à Anna de se marier. Elle est réticente. Ils n’ont encore jamais couché ensemble. Leur première nuit n’est guère probante. Quelques jours plus tard, Antoine rompt violemment avec Anna. Plus question de se marier, ni de l’aider à éditer le manuscrit sur lequel elle travaille. Il la jette. "Je veux le luxe, tout de suite et sans difficulté, lui assène-t-il. Je vais épouser une fille pleine de fric."
Myriam Anissimov est également l'auteure de trois biographies importantes, consacrées à Primo Levi, Romain Gary et Vassili Grossman.
La parution de sa biographie de Primo Levi en 1996 a été saluée par Patrick Modiano dans un article élogieux (Libération, 26 décembre 1996).
A lire aussi :
Sortir du cadre, rencontre avec Myriam Anissimov (Le Monde, 9 janvier 2014)
Myriam Anissimov, chez elle à Paris, en décembre 2013 (photo Mathieu Zazzo) |
L'image du gentil Modiano continue à se fissurer...
RépondreSupprimerModiano est un écrivain pas un people qui devrait cultiver un image!!!!!!
SupprimerBsr,
RépondreSupprimerUn petit compte-rendu de lecture :
http://soleilgreen.blogspot.fr/2014/02/patrick-modiano-villa-triste-quarto.html