Première publication : Gallimard, collection blanche, 2 février 1999.
Repris en 2000 en collection Folio (n°3408).
Traductions en allemand (Unbekannte Frauen), néerlandais (Onbekende vrouwen).
Il s’agit d’un recueil de trois nouvelles, qui ont en commun d’avoir un narrateur féminin. La deuxième des trois avait été publiée l’année précédente par "Elle", sous forme d’un petit livre intitulé Aux jours anciens.
Extrait
« J'avais peur de m'endormir et de lui confier dans mon sommeil ce que je gardais pour moi depuis si longtemps : René, le chien, la photo perdue, les abattoirs, le bruit des sabots qui vous réveille très tôt le matin. »
Patrick Modiano: « Des inconnues s’apparente plutôt à une rêverie sur la réalité. Inconsciemment, j’ai fait endosser à mes héroïnes des souvenirs personnels. Ce sont mes sœurs jumelles en quelque sorte. Mais elles ne sont pas tout à fait moi. Si bien que mon livre en devient ambigu. On ne sait ni leur prénom ni leur nom. Chacune raconte un épisode de sa vie. On ne sait pas ce qui s’est passé avant et après. C’est comme si on captait une émission de radio pour ensuite la perdre en manipulant le poste. »
(Entretien au "Figaro", février 1999).
"Je suis incapable d'écrire un livre de pure fiction. Alors,j'ai mélangé mes propres souvenirs et ceux des filles que j'ai croisées dans les années 60. Comme l'héroïne du deuxième récit, j'ai souffert de vivre dans un pensionnat près d'Annecy, le collège Saint-Joseph de Thônes, et, comme elle, je m'en suis évadé pour rentrer à Paris en train. Comme celle du premier récit, j'ai vécu dans cette atmosphère trouble de la fin de la guerre d'Algérie. Les très rares fois où j'ai vu mon père, c'était à Genève. J'avais 16 ans, on venait me chercher dans mon pensionnat, je traversais la frontière, et j'arrivais dans le hall de l'Hôtel du Rhône où j'assistais à un mystérieux ballet de diplomates, de dirigeants du FLN, d'hommes cravatés à l'air sombre, c'était une ambiance très étrange, très secrète. Enfin, comme la jeune femme du troisième récit, j'ai connu, toujours près d'Annecy, des disciples de Gurdjieff, et j'étais frappé de constater qu'ils étaient toujours recrutés chez des intellectuels se trouvant dans un état physique désespéré. »
(Entretien avec Jérôme Garcin, "Le Nouvel Observateur", 1999).
A lire à propos de Des inconnues :
-"Les aveux de Modiano", interview de l'écrivain, "Le Figaro", 27 février 1999.
-"L'enchaînement des circonstances", par Michel Crépu ("L’Express")
« Trois femmes, trois destins auxquels Patrick Modiano donne leur voix, avec son génie de la simplicité énigmatique »
-"Les trois femmes de Modiano", par Jean-Pierre Tison ("Lire", mars 1999)
« Trois nouvelles. Trois femmes en manque d'existence. Attentes, déambulations, rencontres sans suite. Un brouillard cher à Modiano d'où surgit l'inattendu. »
-Eléments sur le livre pour le cours de français du Community College de Nanzan Tandai par Jean-François Masseron
-"Entre ombre et lumière", par Norbert Czarny
Dans l’excellent livre Le Soufre et le moisi, La droite littéraire après 1945 (Perrin, 2006), François Dufay consacre plusieurs pages aux relations entre Patrick Modiano et deux auteurs « collabos », Jacques Chardonne et Paul Morand. Il raconte notamment la visite de Modiano à Chardonne en juin 1965, dont on peut trouver un écho dans Des inconnues.
La traduction en allemand |
Autre couverture de la traduction allemande |
Ces Inconnues font peur, c’est vrai. La perception est que les trois héroïnes marchent sur une poutre d'équilibre entre le vide et le réel. La difficulté de trouver une place est parallèle à la difficulté de trouver une identité. Ce qui est surprenant ici est l’absence d’une recherche sur le passé et , sans passè, est difficile vivre le présent. Chaque lien avec le passé va disparaitre, exactement comme la photo avec René.
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